17 Juil Exéquatur d’un jugement hors Communauté Européenne
Si le Règlement européen 1215/2012 sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale dit « Règlement Bruxelles I bis » s’applique lorsqu’un jugement est rendu dans un des pays de la Communauté Européenne, il n’en est pas de même des jugements rendus dans un pays qui n’est pas membre de la Communauté européenne et, inversement, un jugement rendu en France devra faire l’objet d’une procédure particulière en dehors de la Communauté européenne.
Cette procédure s’appelle l’exequatur.
L’exequatur est une procédure par laquelle le bénéficiaire d’un jugement étranger entend lui voir conférer force exécutoire sur le territoire national. Le juge de l’exéquatur n’a aucun pouvoir pour réviser une décision étrangère, il ne peut que l’examiner.
Exequatur en France d'un jugement étranger hors CE
Aux termes de l’article 509 du Code de procédure civile, les jugements étrangers deviennent exécutoires sur le territoire français « de la manière et dans les cas prévus par la loi ». Il est donc nécessaire de se conformer aux règles d’obtention de l’exequatur pour bénéficier de ses effets.
Il faut se tourner vers les règles de droit commun de l’exéquatur posées par la jurisprudence française.
Depuis 2007, seuls trois critères cumulatifs sont applicables :
- La vérification de la compétence du juge étranger,
- La conformité de la décision étrangère à l’ordre public international,
- Et l’absence de fraude à la loi (Cour de cassation 20/02/2007 n° 05-14.082 arrêt Cornelissen).
Il faut y ajouter une quatrième condition :
Que le jugement soit exécutoire à l’étranger (Cour de cassation 16/03/1999, n°96-18.650).
1. La compétence du juge étranger.
Le juge français, saisi d’une demande d’exequatur, doit s’assurer que le juge étranger qui a rendu la décision était bien compétent pour statuer selon des critères dégagés par la jurisprudence (Cour de cassation 06/02/1985 n° 83-11.241).
Tout d’abord, il faut vérifier si la compétence du juge étranger ne viole pas une règle de compétence exclusive française.
Ensuite, le litige doit se rattacher de manière caractérisée au pays dont le juge est saisi.
En présence d’un contrat rédigé en langue anglaise prévoyant un paiement en livre sterling avec application de la loi étrangère et la compétence d’une juridiction étrangère, le litige peut être traité dans le pays étranger à condition que le contrat n’ait pas été conclu par un résident français en qualité de consommateur.
En effet, si le contrat concerne un consommateur résident en France, ayant signé un contrat en France, pour une opération à accomplir en France, la question de la compétence peut se poser.
2. La conformité de la décision étrangère à l’ordre public international (de procédure et de fond).
Le juge français saisi de la demande d’exequatur doit vérifier la conformité de la décision étrangère à l’ordre public international. L’ordre public international peut se définir comme les principes fondamentaux de l’ordre juridique, qui peuvent résulter du droit français mais aussi des textes de l’Union européenne, internationaux ou européens liant la France (comme la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (Cour de cassation 15/01/2020 n° 18-24.261)).
On relève une contrariété à l’ordre public international lorsque les intérêts d’une partie ont été objectivement compromis par une violation des principes fondamentaux de la procédure (Cour de cassation 19/09/2007 n°06-17.096). Chaque partie doit être en mesure de faire valoir ses droits (Cour de cassation 17/03/2021 n°19-26.071).
Entrent donc dans l’ordre public international de procédure le principe d’égalité des armes et le droit à un procès équitable, c’est-à-dire le respect des droits de la défense (Cour de cassation 04/10/1967 arrêt Bachir). Ces principes se retrouvent à l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme qui est un texte qui doit être appliqué par tout juge d’un Etat partie saisi d’une demande d’exéquatur (CEDH 20/07/2001 Pellegrini c/ Italie).
3. L’absence de fraude à la loi.
Le dernier élément à vérifier est l’absence de fraude à la loi, c’est-à-dire qu’il ne faut pas solliciter le juge français de l’exéquatur à la suite d’une procédure viciée par une intention frauduleuse. Il s’agirait donc de contourner les lois françaises en sollicitant un juge étranger pour, ensuite, demander l’exequatur d’une décision qui n’aurait manifestement pas pu être rendue en application de la législation française. Cela se matérialise souvent par un détournement de la règle de conflit de lois.
4. Prescription.
Dans un arrêt du 11 janvier 2023, la Cour de cassation a estimé, en application de la Convention de Lugano, que l’action en exequatur elle-même n’est soumise à aucune prescription.
Pour autant, les règles de prescription de l’État d’origine sont susceptibles d’affecter le caractère exécutoire du jugement et, par conséquent, l’intérêt à agir du demandeur à l’exequatur (n°21-21.168).
5. Exequatur dans d’autres pays.
Nous avons eu l’occasion d’examiner l’exequatur aux Emirats-Arabes-Unis, en Inde, en Espagne, en Pologne, en Hollande, au Royaume-Uni, en Autriche, à Monaco, en Italie.
Dans la plupart des cas, il faut vérifier s’il existe une convention bilatérale entre la France et cet autre pays.
C’est le cas entre les Emirats-Arabes-Unis et la France par exemple.
S’il s’agit d’un arbitrage dont il faut demander l’exequatur, la Convention de New-York s’applique et l’Inde, par exemple, est signataire de cette convention.
On retrouve également le principe de réciprocité qui peut être invoqué, par exemple en Espagne où l’exequatur ne sera prononcé que si le pays dont le jugement est originaire accepte l’exequatur des décisions espagnoles.
Dans la plupart des cas, il ne faut pas que le jugement soit contraire à un jugement déjà rendu dans le pays d’exequatur. C’est notamment le cas en Pologne.
De nombreux pays sont adhérents de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.
La liste des pays signataires figure en annexe de cette Convention.
On y trouve notamment les règles de compétence nationale. A titre d’exemple, la France se réfère aux articles 14 et 15 du Code civil français.
Chaque pays fixe les juridictions compétentes auprès desquelles la requête en exequatur est présentée ainsi que les juridictions compétentes en matière de recours contre l’exequatur.
Un modèle de certificat prouvant que le jugement est exécutoire dans l’Etat d’origine figure également en annexe.